La famille KNOEPFFLER

1914 – Une année d’humiliations pour les Alsaciens, pour les Savernois et pour le Maire Louis Knoepffler

     Dans la période où Louis Knoepffler exerçait les fonctions de premier magistrat de la ville, se situe la fameuse affaire qui devait faire de Saverne l’un des points les plus en vue de l’opinion publique et de la vie politique durant l’année qui précédait la première guerre mondiale ; il n’était pas facile, ni agréable, vu la situation d’alors où le militarisme prussien s’arrogeait tous les droits, d’exercer de telles fonctions. Dans l’intérêt de la cité, il fallait maintenir l’ordre et appeler au calme.

     Louis Knoepffler avait été élu en 1911 pour représenter les cantons de Saverne et de Marmoutier à l’Assemblée régionale nouvellement crée sous le nom de « Landtag » d’Alsace-Lorraine. L’Assemblée en question eut également à s’occuper de « l’Affaire de Saverne », notamment en janvier 1914. Elle déclara que l’ « Oberst » Reuter s’était rendu coupable d’outrepasser ses droits, que l’administration civile n’avait fait que remplir son devoir et que l’intervention de l’armée était dénué de tout fondement juridique. Rien n’y fit : le pouvoir civil succomba et dut s’incliner. Le « Kreisdirektor » Mahl fut déplacé et remplacé. Le 14 avril 1914 la garnison, constituée par deux bataillons du 99^e régiment d’infanterie, à la tête duquel un autre « Oberst » avait été mis, regagna Saverne. (En décembre 1913, l’empereur Guillaume II, qui séjournait alors à Donaueschingen, avait décidé que ces deux bataillons devaient quitter provisoirement la ville et s’installer aux camps de Bitche et d’Oberhoffen ; il avait pris cette mesure afin d’éviter des heurts plus graves entre l’armée et la population : le jeune lieutenant Forstner avait blessé à Dettwiller un jeune ouvrier cordonnier invalide, Charles Blanck ; un débat très animé venait de se dérouler au sujet des évènements de Saverne à Berlin, au Reichstag, débat défavorable au gouvernement…).

      Après les élections municipales de 1914, Louis Knoepffler avait de nouveau été proposé et élu comme maire par le conseil municipal, mais il ne reçut pas l’agrément du nouveau Statthalter von Dallwitz, ex ministre prussien de l’Intérieur ; aucune justification n’accompagnait cette opposition. Là-dessus, le 31 juillet, c’est un fonctionnaire de la « Kreisdirektion » de Saverne où il avait été nommé  en mai 1913, le « Regieriungsassessor » Robert Grossmann, qui fut élu, et confirmé aussitôt par le gouvernement. A propos de ce « Berufsbürgermeister », comme on disait quelquefois, il convient de rappeler qu’à l’un des moments les plus critiques de l’Affaire le 28 novembre 1913, il avait affirmé avec courage, en sa qualité de remplaçant du « Kreisdirektor », le droit du pouvoir civil face aux militaires décidés à un grand coup. Louis Knoepffler, élu maire, avait donc été écarté. Durant la guerre, dont l’état fut proclamé en Allemagne le jour même où Grossmann  était nommé « Bürgermeister », c’est donc un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qui administrait la ville ; Grossmann conserva ces fonctions jusqu’en mars 1918, où il fut envoyé en Lorraine comme Kreisdirektor de Boulay (Bolchen). A Saverne, il fut remplacé par un autre « Regierungsassessor », Adolphe Luthmer, dont le père, Hans Luthmer, avait enseigné au « Gymnasium » de Saverne de 1874 à 1895 : Adolphe Luthmer devait gérer l’administration communale du 9 mars au 17 novembre 1918.

     Notons à ce propos que Grossmann, devenu Landrat de Neuwied, a été mis en 1933, par les nazis, à la retraite forcée, et qu’il est mort en 1938 à Fribourg-en-Brisgau ; son successeur à Saverne, Adolphe Luthmer, l’avait précédé dans la tombe en 1936, également dans cette ville.

Source : DNA Edition n°3 du 4/1/1969 Extrait de l'article de Mr A.Wollbrett