La famille KNOEPFFLER

Lettre du Maire Louis KNOEPFFLER à son fils Louis

Lettre du Maire Louis KNOEPFFLER à son fils Louis  à Kesselerheim

Bad Manheim

 

Le 27/11/1918

 

 

Mon cher Louis,

 

Enfin nous avons la possibilité de communiquer directement, Dieu merci,

Tu aurais dû voir la joie immense de Saverne à l’arrivée des troupes françaises.

Les troupes allemandes défilaient depuis toute la semaine et devraient d’après les conditions de l’armistice avoir vidé Saverne le 17/11 à midi. Mais ils ne pouvaient se résoudre à s’en aller et si nous n’avions pas eu un « Soldatenrat » avec un président alsacien, ils auraient attendu jusqu’au dernier moment. Vers 2 heures il y avait encore des troupes allemandes en ville et malgré cela toutes les fenêtres étaient garnies de drapeaux français que, depuis 10 jours, on fabriquait dans tous les coins à l’abri de l’œil boche.

Jeudi d’avant, le maire allemand avait offert sa démission et le Conseil m’avait renommé Maire à l’unanimité. Je n’ai pas pu refuser et ai pris le service dimanche 17/11 à midi. Lundi 18 à 6 heures du matin, défilaient les derniers boches qui ne pouvaient croire qu’ils s’en allaient pour toujours. Aussitôt les préparatifs pour la réception des Français commencèrent et nos renseignements nous disaient qu’ils n’arriveraient que mercredi ou jeudi. Mais eux aussi ne pouvaient plus attendre et cela fait que mardi à 10 heures entraient dans mon bureau à la Mairie, 2 officiers de l’Etat Major du Général Gérard Commandant la 8° armée pour m‘annoncer qu’à 14 heures, une division du 6° Corps ferait son entrée à Saverne précédée du Général Duport, Commandant le 6° Corps. A 2 heures, arrivait le Général Gérard qui faisait la tournée de ses avants postes et à 4 heures, Henri Wolff, mon adjoint, recevait la Division devant la Synagogue (ils sont venus par la route de Lutzelbourg, pour faire mentir le proverbe qu’ils viendraient par la Steig), les conduisait au Tivoli et de là, les faisaient défiler dans toute la Ville qui était pavoisée d’une façon extraordinaire et garnie de verdure. Le Conseil fit vêtir les jeunes filles en alsaciennes et les pompiers les précédaient ; ils défilèrent devant le Commandant du Corps, et devant les autorités civiles après le défilé qui était absolument unique (les enfants et les femmes défilaient devant les rangs des soldats) et qui eu lieu au milieu d’un enthousiasme où je ne reconnaissais plus mes Savernois. Discours du Maire, discours du Général, vin d’honneur etc.

Le lendemain repos pour les troupes et grande retraite aux flambeaux et bal des Officier au casino et au « Soleil ». Notre jeunesse féminine était entièrement folle, du reste les hommes aussi, et il s’en est fallu de bien peu que même les maisons se missent à cabrioler.

Enfin tout le monde était content. Alsaciens, Français sauf les Boches qui ne pouvaient croire à ce changement de décor.

Depuis nous voyons défiler dans la maison, toutes les « graines d’épinard » possible. Colonels, Généraux, etc. les 2ème jours nous avons le Colonel commandant la Brigade, après un Colonel ancien camarade de Georges, puis pendant 4 jours le Général Gérard Commandant d’Armée et à dîner, le Général de division Lebocq; même dimanche dernier, j’ai eu la visite du Maréchal Pétain se rendant à Strasbourg, pour faire son entrée solennelle. Il devait, disait-il, cela à Saverne et à son Maire. Merckling l’a photographié dans la cour à la maison, je t’en enverrai un exemplaire dès que je l’aurai. Nous avons des dîners presque tous les soirs où ta maman présidait et où assistaient toutes tes sœurs.

 

 

 

Nous avons reçu tes lettres et espérons en recevoir encore bientôt qui doivent être en route.

Ici tout le monde se porte bien, c’est curieux comme ce changement nous a tous, remis en bonne santé !

 

Tout le monde t’embrasse de tout cœur

 

Signé Louis Knoepffler

 

 

N.B. Cette lettre n’a jamais été remise à son destinataire et a été retournée à son expéditeur, ce qui nous a permis de la retrouver dans les archives de la famille et de la publier aujourd’hui. Elle est d’un très grand intérêt, car elle relate les faits et manifestations qui se sont déroulés à Saverne après l’Armistice de 1918.

 

 

Source : Archives personnelles de la famille

 



11/09/2010
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